Une marionnette est une figurine articulée ou non, en bois, carton ou toutes autres sortes de matériaux (os, le cuir ou la terre cuite), manipulée par une ou plusieurs personnes (les marionnettistes), traditionnellement cachées dans un castelet.
Leurs formes peuvent être extrêmement variées : marionnettes à fils comme Polichinelle ou à gaine comme Guignol (les plus connues en Europe), mais aussi marionnettes à tringle, marionnettes à tige des théâtre d'ombres de Chine et d'Indonésie, voire marionnettes sur l'eau vietnamiennes. Les marionnettes représentent des personnages (réels ou imaginaires) ou des animaux ; leur rôle peut être parlé ou muet.
Le mot français « marionnette » est dérivé de Marion, diminutif de Marie, et désignait à l'origine une petite figurine de la Vierge ; dans d'autres langues européennes, le terme s'apparente au mot « poupée » : « puppet » en anglais, « puppe » en allemand, « pupi » dans le théâtre de marionnettes sicilien (où il existe aussi un dérivé du mot « enfant » : « fantoccio », qu'on retrouve aussi en portugais : « fantoche ») ; en revanche, on dit « marioneta » ou « títeres » en Espagne.
Le terme « théâtre de marionnettes » désigne à la fois le genre théâtral et le lieu de la représentation.
Histoire
Antiquité
figurines articulées en terre cuite, Ve – IVe siècle, musée national archéologique d'Athènes.
Les marionnettes exercent un pouvoir de fascination depuis très longtemps. Dans l'Antiquité, des statuettes articulées, appelées nerospastos en grec, étaient utilisées dans des cérémonies religieuses. Hérodote y fait allusion dans ses Histoires à propos de cérémonies dionysiaques en Égypte.
Dans le Banquet de Xénophon, Philippe, amuseur public originaire de Syracuse qu'accompagnent une flûtiste et un cithariste, parle de ses marionnettes, ce qui suppose l'existence de spectacles. Dans Du mouvement des animaux Aristote compare les mouvements des animaux à ceux de marionnettes.
On sait qu'à Rome aussi il y avait des spectacles de marionnettes, puisque des auteurs comme Horace, Pétrone, Apulée, y font allusion et que les Pères de l'Église les condamnent. Dans le Festin chez Trimalcion, une figurine en argent représentant l'esprit d'un mort (larva) exécute une danse macabre sous les yeux des convives. Ce sont les Romains qui auraient introduit les marionnettes en Gaule et en Germanie durant la décadence de l'empire.
En Orient aussi, les marionnettes sont très anciennes puisqu'on en a trouvé dans des sites de la civilisation de la vallée de l'Indus3.
Danse funéraire de Si Galé Galé chez les Toba Batak, de Sumatra
En Birmanie, les Yokthe Thay possédaient la vertu de guérir. En Indonésie, à Toba Batak du Nord de Sumatra, les habitants créaient des marionnettes sophistiquées appelées Si galé galé. Commandées par un système complexe des cordes et des leviers internes qui leur permettaient de se déplacer et de danser d'une façon réaliste, les Si galé galé jouaient un rôle crucial dans les cérémonies funéraires.
En Amérique du Sud, des fouilles archéologiques récentes ont permis de mettre au jour un bas-relief réalisé durant la période d'invasion toltèque entre 400 et 900 apr. J.-C. qui montre la figurine d'un marionnettiste animant une marionnette à gaine de type Guignol.
En France
Le mot français marionnette date du Moyen Âge et vient d'un des nombreux diminutifs du prénom Marie, à l'instar de Marion, Mariotte ou Mariolle, signifiant « petite Marie chérie ». Ces diminutifs servaient à désigner la Vierge Marie et ses représentations plastiques (1306). À partir du XVIe siècle, le vocable désigne toute figurine de bois, sacrée ou profane, mais s'étend également aux poupées utilisées en sorcellerie.
On trouve pour la première fois l'acception scénique de « marionnette » en 1584 dans l'ouvrage Les Sérées (« Les Soirées ») de Guillaume Bouchet (1513-1594).
Au XVIIe et dans la première moitié du XVIIIe siècle, à Paris, à l'occasion des foires annuelles de Saint-Germain et de Saint-Laurent, le théâtre de la foire présentait, entre autres, des spectacles de marionnettes. Les marionnettistes les plus connus étaient Pierre Datelin, dit Jean Brioché, qui importe en France le personnage de Polichinelle et présente ses spectacles sur le pont Neuf, son fils François, Jean-Baptiste Archambault, Jérôme, Arthur et Nicolas Féron. Parmi les pièces jouées, il y avait des parodies d'opéras: pendant que des marionnettes en costumes somptueux miment l'action, des chanteurs, soutenus par quelques instruments, parodient les livrets sur des refrains populaires, alternant allusions grivoises, jeux de mots vaseux et humour décalé6. La censure étant moins pesante sur les spectacles de marionnettes que sur les autres arts du langage, des auteurs comme Fuzelier, Lesage ou d'Orneval, profitent de la liberté d'expression qu'ils permettent.
La Révolution française marque l'apparition de nombreuses marionnettes spécifiques comme Guignol, créé à Lyon en 1808 par Laurent Mourguet, ou Lafleur, apparu à Amiens à la même époque.
À partir de 2008, la Bibliothèque nationale de France lance un programme de numérisation de marionnettes en collaboration avec la compagnie Dominique Houdart – Jeanne Heuclin et Georges Lafaye. La numérisation continue en 2015 avec le théâtre Gérard-Philipe de Frouard, « scène conventionnée pour les arts de la marionnette et les formes animées ». Pour chaque marionnette (ou autre objets de ces fonds), huit clichés sont pris selon des angles de vue toujours identiques, ainsi que des clichés montrant leur manipulation.
En Europe
Théâtre de burattini, vers 1770, en Italie.
Un spectacle de Punch et Judy dans son castelet.
En Italie
La tradition des théâtres de marionnettes est ancienne8. Chaque ville avait son personnage préféré. Les plus connus, encore aujourd'hui, sont les Napolitains Pulcinella et Scaramuccia. Outre les théâtres ambulants utilisant des pupazzi (marionnettes à gaine), il y avait des théâtres fixes, comme le théâtre Fiano à Milan, présentant des fantoccini (marionnettes à fils), le théâtre des burattini à Rome (marionnettes à tête de bois), qui jouaient des comédies, des mélodrames et des spectacles de danse8.
En Espagne
Les marionnettes, qui portent le nom de titeres (mot qui voulait dire « joueur » au XVIe siècle8), jouent des intrigues issues du Romancero, aux thèmes historiques, lyriques ou romanesques, avec beaucoup de personnages de saints ou d'ermites, ce qui leur a aussi valu le surnom de bonifrates8.
En Angleterre
Sous le nom de puppet, mammet, drollery, motion, les marionnettes ont d'abord joué des pièces religieuses et historiques. Le Polichinelle italien y devient Punch. Samuel Pepys fit le premier compte rendu écrit sur le spectacle de Punch et Judy, le 9 mai 1662. Le spectacle était mené par un italien du nom de Pietro Gimonde, surnommé Signor Bologna. Traditionnellement il n'y a qu'un seul marionnettiste appelé Professor, qui contrôle les deux marionnettes à la fois.
Le théâtre de papier est une forme théâtrale née au milieu du XIXe siècle. C'est un théâtre à l'italienne miniature qui utilise des figurines de 8 cm à 12 cm actionnées latéralement par des tirettes en carton ou en fer manipulées par le narrateur qui se tient généralement derrière la table sur laquelle il est posé. Cette forme qui privilégie la narration épique est encore vivace au Danemark, en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas.
En Allemagne
Le manuscrit d'Herrade de Landsberg, Hortus Deliciarum permet d'affirmer qu'il y avait des spectacles de marionnettes (Puppenspiel) à son époque, le XIIe siècle.
En Orient
marionnette de Bunraku.
Dans les pays d'Asie les spectacles de marionnettes relèvent d'une tradition riche et plus que millénaire, puisque, en Inde, les marionnettes sont déjà présentes au XIe siècle avant notre ère. Née en Inde et en Chine, cette tradition s'est ensuite propagée vers le Japon et la Corée (depuis la Chine) et vers l'Asie du Sud-Est, puis, plus tardivement, vers le Moyen-Orient (en particulier le théâtre d'ombre).
Le Bunraku
Les spectacles de marionnettes remontent au moins à la période Heian (fin VIIIe - fin XIIe siècle) au Japon. Des montreurs de marionnettes itinérants sont signalés jusqu'au XVIe siècle. Le bunraku est un type de théâtre japonais qui s'est développé à partir du XVIIe siècle. Il met en scène des marionnettes de grande taille de 120 cm à 150 cm, manipulées à vue par plusieurs manipulateurs, tandis qu'un narrateur déroule le récit au son du shamisen. Le répertoire, qui s'adresse essentiellement à un public adulte et met en scène des guerriers samouraïs, des aristocrates ou des bourgeois, est essentiellement composé de drames « cornéliens » au dénouement souvent tragique10.
Le Múa rối nước
Les spectacles de « marionnettes qui dansent sur l'eau » sont très anciens et originaires du delta du Fleuve Rouge au Viêt Nam, où les paysans les ont créés vers le Xe siècle dans les marais et les rizières inondées13. Musique et chants accompagnent des pièces historiques ou des scènes de la vie quotidienne14.
Marionnette javanaise représentant Arjuna (Tropenmuseum, Amsterdam).
Le wayang golek
Spécifique à l'île indonésienne de Java, il utilise des marionnettes à tiges et met essentiellement en scène des récits tirés du Mahabharata et du Ramayana, mais aussi des récits épiques ou satiriques d'influence islamique. Le théâtre de marionnettes occidental moderne a été grandement influencé par les formes théâtrales asiatiques que l'Europe découvrait, en particulier lors des grandes expositions universelles de la fin du XIXe et du XXe siècle.
Les différents types de marionnettes⚓
Les marionnettes à tringle
Elles sont manipulée en surplomb, au moyen d'une tringle métallique fixée avec un crochet sur le sommet de la tête de la poupée. Les bras peuvent aussi être manipulés au moyen de tringles secondaires. Ce type de marionnettes est traditionnel en Belgique (marionnette liégeoise), dans le Nord de la France et en Sicile. Il est généralement utilisé pour interpréter un répertoire épique (comme la Chanson de Roland ou la Chanson des quatre fils Aymon). Tchantchès et Nanesse sont les figures emblématiques du public liégeois.
En Picardie les bras des marionnettes à tringle sont animés par des fils. On les appelle cabotans, et le cabotant le plus célèbre est Lafleur. On considère que la marionnette à tringle est l'ancêtre de la marionnette à fils en Europe.
Les marionnettes à fils
Appelées aussi fantoches, de l'italien fantoccio, elles ont un corps rigide et articulé, mû par plusieurs fils attachés aux bras et aux jambes (au niveau des genoux). On les manipule à l'aide de traverses en bois, appelées croix d'attelle. Leur manipulation demande beaucoup de dextérité. La technique permettant de relier une marionnette à fils à son contrôle est appelée ensecret, car chaque marionnettiste possède ses secrets de fabrication et ses savoir-faire. Les plus raffinées sont en Birmanie, où la complexité des gestes des personnages nécessite des marionnettes articulées parfois jusqu'aux doigts.
Les marionnettes à gaine
Elles sont animées par la main du manipulateur qui glisse un bras dans la gaine et peut contrôler avec ses doigts la tête et les bras du personnage. Les marionnettes les plus connues en Europe sont des marionnettes à gaine : en France, c'est Guignol né à Lyon ; en Italie c'est Pulcinella, principal protagoniste du théâtre de burattin ; il devient Punch en Angleterre, Hans Wurst (Jean-Saucisse) ou Kasperle en Allemagne.
Une variante est la marionnette à gaine à bouche animée, où la main du marionnettiste est placée en pince pour former la bouche du personnage. En Chine, où les marionnettes à gaine sont très développées et sont techniquement très complexes, la bouche et les yeux peuvent être mobiles. Quant à la manipulation, elle relève d'une grande virtuosité, assimilable à une forme de jonglage.
Les marionnettes à prise directe, ou marionnettes à contrôle
Marionnettes de grande taille, comme celles du bunraku japonais, elles sont manipulées à vue par plusieurs manipulateurs à l'aide de contrôles fixés sur différentes parties du corps ou en « théâtre noir » (les manipulateurs sont pratiquement invisibles, car vêtus de noir et masqués ; seule la marionnette est éclairée).
Les pantins
Ce sont des figurines articulées en carton ou en bois plat dont on fait mouvoir les membres au moyen d'un fil.
les marottes
Il s'agit, en général, d'une tête plantée au bout d'un bâton, à la manière du sceptre du bouffon surmonté d'une tête coiffée d'un capuchon garni de grelots. Dans le cas de la marotte à main prenante, la main qui tient le bâton est masquée par une draperie d'où sort l'autre main du manipulateur, qui fait fonction de main de la marionnette.
Les marionnettes à tige
Comme les marottes, elles consistent en une tête plantée sur un bâton. Parfois le torse et les bras ne sont pas fixés à la tige qui supporte la tête, ce qui permet de la mouvoir séparément. Les mains sont contrôlées par des baguettes en fil de fer rigide. Le wayang golek du pays Sunda (Java occidental) est une marionnette à tiges en ronde bosse et a influencé l'utilisation de ce type de marionnette en occident. Des fils peuvent aussi s'ajouter à la marionnette à tige, ce qui permet d'articuler d'autres parties du corps, comme la bouche, les yeux, voire les jambes.
Les marionnettes du théâtre d'ombre
Les personnages du wayang kulit indonésien sont confectionnés en cuir finement ciselé et peint, et maintenus par une tige de corne, de bois ou de bambou. Le Pi ying chinois est une figurine articulée, délicatement découpée et ajourée sur toute sa surface, en peau (d'âne en général) translucide, rigide, enduite d'huile de sophora, laquée et finement colorée.
Évolution de la marionnette⚓
Les spectacles de rue
Les marionnettes géantes
Faites d'objets de récupération, elles participent aux défilés, aux spectacles de rue, aux spectacle sur scène. Elles sont apparues en France vers 1968 avec The Bread and Puppet Theatre de Peter Schumann, théâtre engagé, activiste que l'on a pu classer dans le théâtre de guérilla au moment de la guerre du Viêt Nam.
Les personnages géants animés
La compagnie Royal de luxe a d'abord construit le manège d'animaux géants pour la marque de vêtements Catimini. Cette compagnie a ensuite tiré son inspiration à la fois des spectacles carnavalesques belges du Nord (Géants de l'entité d'Ath), mais aussi de leur contact avec les peuples africains. Après Gulliver, elle est revenue avec la petite géante
Télévision
De nombreuses séries télévisées utilisent des marionnettes, les plus connues étant les productions américaines 1, rue Sésame et Le Muppet Show et leur présentateur vedette Kermit la grenouille.
En France, Téléchat, série créée en 1983 par Roland Topor et Henri Xhonneux met en scène le chat Groucha et l'autruche Lola. Les marionnettes permettent entre autres de représenter et de caricaturer des personnalités politiques ou du monde du spectacle. Les Guignols de l'info est programmé chaque soir de la semaine sur Canal+ et Le Bébête show, satirise la politique française.
Thunderbirds (connu sous le titre Les Sentinelles de l'air en France) est une célèbre série de science-fiction britannique des années 1960 mettant en scène des marionnettes à fil très réalistes dans des décors miniatures soignés, à base de maquettes et d'effets pyrotechniques. La technique employée ici porte le nom de Supermarionation, et connaîtra de nombreuses autres incarnations. Dans les années 1980, le Japon a aussi livré Bomber X, série de science-fiction qui utilise un procédé d'animation similaire.
Les émissions familiales utilisent volontiers des marionnettes, comme Gorg et Lala, série diffusée toutes les semaines sur Canal+ Family, ou Les Badaboks, personnages d'une ancienne émission pédagogique.